HYPOTHERMIE PROVOQUÉE

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HYPOTHERMIE PROVOQUÉE

HYPOTHERMIE PROVOQUÉE

Il existe deux types d’êtres vivants: les poïkilothermes, qui présentent une température centrale variable en fonction de la température du milieu où ils se trouvent, et les homéothermes, qui conservent dans une certaine limite la constance de leur température centrale malgré les variations de celle de l’environnement. Parmi ces derniers, les animaux hibernants peuvent, sous l’influence de circonstances saisonnières, retrouver un comportement apparemment comparable à celui du poïkilotherme.

Le comportement de l’homéotherme soumis au froid est différent de celui de l’hibernant. Il évolue en deux phases. Dans la première sont mis en jeu les mécanismes protecteurs de la température centrale (diminution de la thermolyse, accroissement de la thermogenèse). C’est la phase de lutte. Puis apparaît une phase, dite d’épuisement, au cours de laquelle, les mécanismes précédents devenus inopérants, la température centrale s’abaisse jusqu’à la mort, par fibrillation cardiaque autour de 25 0C. Les observations humaines d’hypothermies spontanées où la température centrale s’est abaissée autour de 20 0C avec survie concernent des sujets en état d’ivresse, car l’alcool éthylique inhibe les centres diencéphaliques et empêche la réaction neuro-endocrinienne au froid.

Or, le froid, en diminuant l’intensité des processus métaboliques, réduira la libération cellulaire des ions hydrogènes, ralentira donc l’évolution vers l’acidose, de même qu’il diminuera la consommation d’oxygène et de substrats hydrocarbonés. En cas d’acidose métabolique, ou d’insuffisance grave du fonctionnement cardio-vasculaire perturbant l’apport d’oxygène aux tissus, en cas de perturbation profonde du fonctionnement des émonctoires (poumons et reins), il sera donc indiqué de diminuer par le froid l’activité métabolique. Cela s’applique en principe à tous les états de grande insuffisance circulatoire, états de choc décompensés, chirurgie cardiaque sous circulation extra-corporelle, interventions chirurgicales graves sur terrain déficient; à tous les états gravissimes en rapport avec une déficience fonctionnelle aiguë des émonctoires ou des centres nerveux qui en assurent le fonctionnement, insuffisance respiratoire ou rénale, traumatismes cranio-encéphaliques, interventions neurochirurgicales. Mais, chez un homéotherme, l’utilisation thérapeutique du froid ne deviendra possible que par l’inhibition du système neuro-endocrinien, responsable de la thermorégulation. On l’obtient en utilisant des anesthésiques généraux qui bloquent les processus oxydatifs, donc la thermogenèse, et accroissent la thermolyse. C’est ainsi que les premiers essais d’hypothermie chez l’homme furent réalisés sous anesthésie à l’éther (Temple-Fay et Allen, 1941) ou avec les barbiturates (Bigelow et coll., 1950) en chirurgie cardiaque à cœur exsangue alors qu’à la même époque et indépendamment, en France, Henri Laborit et Pierre Huguenard, partant de bases expérimentales et cliniques différentes, proposaient sous le terme d’«hibernation artificielle» l’emploi de l’hypothermie combinée à l’inhibition pharmacologique du système neurovégétatif dans toute la pathologie médicale et chirurgicale gravissime. Cette inhibition pharmacologique réalisée par des agents agissant spécifiquement au niveau périphérique, au niveau ganglionnaire et au niveau central (hypothalamique), inhibition multifocale, fut appelée «neuroplégie». Elle permit l’anesthésie potentialisée combinant des analgésiques et des neuroleptiques (neuroleptanalgésie) et permettant parfois des «anesthésies sans anesthésiques» (P. Huguenard).

L’emploi des techniques d’hypothermie et d’hibernation artificielle a permis au cours des dernières décennies des audaces inconcevables antérieurement, en chirurgie cardiaque et cérébrale (tumeurs vasculaires) en particulier. Dans ces conditions, la température centrale de l’homéotherme s’abaisse sans frisson, sans acidose métabolique du fait de l’absence de vasoconstriction cutanéo-splanchnique. Toutes les activités organiques se ralentissent jusqu’à une température située entre 25 et 30 0C. Expérimentalement sur l’animal, il est possible d’atteindre sans danger des températures légèrement au-dessous de 20 0C en utilisant, au lieu des inhibiteurs métaboliques puissants (anesthésiques, barbituriques), un narcotique à structure biologique, lipide à courte chaîne, le 4-hydroxybutyrate de sodium.

Chez l’homme, pour atteindre des températures centrales beaucoup plus basses (autour de 10 0C), on est encore obligé actuellement de mettre en action une circulation extra-corporelle, de façon à suppléer à l’arrêt du cœur et de la ventilation pulmonaire à partir de 25 0C.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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